Hänsel et Gretel dans une nouvelle mise en scène

Le nouvel Hänsel und Gretel de l’Opéra de Munich enchante petits et grands



Pour renouveler son Hänsel und Gretel, l’Opéra de Munich a choisi la mise en scène que Richard Jones a montée en 2007 au Metropolitan Opera de New-York, après Cardiff, Chicago et San Francisco, et qui est bien connue des amateurs puisque elle est sortie en DVD en 2008, dans une captation new-yorkaise. Si l’option du MET avait été de produire l’opéra en traduction anglaise, public enfantin oblige, le Bayerische Staatsoper en revient bien sûr au texte allemand, et sans surtitrage, comptant sur la diction de ses chanteurs, la surestimant sans doute, mais c’est un mal pour lequel il existe un remède.



Après 48 ans de bons et loyaux services, l’Opéra de Munich a donc décidé de remiser au placard la très belle mise en scène de feu Herbert List, datant de 1965, qui a fait la joie de plusieurs générations de petits comme de grands. La mise en scène de Richard Jones est nettement plus onirique et fantasmée que celle de List, qui collait davantage à la lettre du livret. Jones est un metteur en scène dont deux productions récentes font régulièrement l’affiche au Théâtre national: il a récemment monté un Lohengrin des plus controversés alors que des Contes d’Hoffmann qui furent bien mieux accueillis.



Un rideau à l’allemande découpe et rythme les scènes en mettant l’accent sur le thème que Jones place au centre de l’oeuvre: la faim. La faim des familles pauvres qui pousse les parents au désespoir, avec un père qui s’alcoolise et une mère dépressive qui se bourre aux médicaments et fait une tentative de suicide en scène en voulant en avaler tout un flacon, la faim des enfants qui les pousse à toutes les transgressions, la faim sans fin de l’ogresse qui joue sur la faim des autres pour satisfaire la sienne dans une atroce folie meurtrière. Une énorme assiette flanquée d’un couteau et d’une fourchette occupe tout le rideau avant le premier acte, une bouche ensanglantée aux dents menaçantes y précède le deuxième acte. Après l’entracte, la toile d’avant-scène représente une assiette et des couverts utilisés où restent des traces de sang, enfin avant la scène finale, l’assiette est brisée. On comprend progressivement qu’il s’agit de l’assiette de la sorcière-ogresse et que la vitalité des enfants l’emportera sur les forces destructrices du mal.



Chaque scène se déroule dans une cuisine: la pauvre cuisine des parents avec son frigidaire et ses armoires vides, la cuisine-forêt avec d’inquiétants hybrides d’arbres vêtus de costumes d’hommes placés comme des piliers le long de ses parois végétales, puis l’extraordinaire cuisine de la sorcière, avec son four et son frigidaire démesurés. Le frigidaire contient des tronçons de corps d’enfants ensanglantés et congelés, une des parois supporte un arsenal de scies dont on comprend aussitôt l’usage qui en est fait, des enfants déjà transformés en pains d’épices sont placés le long des murs ou sous l’énorme plan de travail surélevé débordant de gâteaux qui occupe tout le centre de la scène.



Richard Jones crée un univers onirique dans lequel les enfants pénètrent dès qu’ils sont envoyés à la cueillette de baies dans la forêt par leur mère désespérée. Ils fouillent les poches des hommes-arbres pour y récolter les baies dont ils s’empiffrent aussitôt. Ils entreront plus avant encore dans le fantastique par l’intervention du marchand de sable que Jones fait représenter par une marionnette à la maigreur famélique et spectrale. A leur réveil, apparaîtra un gâteau au chocolat gigantesque surmonté d’une cerise confite et supporté par une langue rouge surdimensionnée. La toile d’avant-scène se baisse avec la bouche ouverte aux dents menaçantes dont l’orifice vient se placer exactement autour du gâteau et de la langue. Les enfants ne résisteront pas à la tentation malgré des avertissements lancés par des voix inconnues mais amies et se gaveront du gâteau.





Ecoutons Richard Jones: « Hansel et Gretel est une fête pour les enfants, parce que les règles y sont transgressées. Sur scène les enfants voient représentées nombre de leurs peurs et de leurs fantaisies. Le frère et la soeur sont espiègles et chassés hors de la maison, et malgré cela ils peuvent ensuite se gaver de friandises. » Jones ne cherche cependant pas à donner une explication psychanalytique au conte, il en développe la fantasmagorie et laisse le public enfantin et adulte libre de son interprétation et de ses réactions. Les enfants observés dans l’assistance semblent ravis et jamais effrayés là où certains adultes pourraient se montrer choqués par exemple à cause des corps dépecés et frigorifiés, c’est sans doute que nous avons oublié qu’enfants, nous avons côtoyé les démons, les ogres et les monstres et avons dû les exorciser chacun à notre façon. Jones fait du théâtre, donne une interprétation poétique dont il laisse la lecture ouverte, comme l’énoncé d’une devinette.



Il n’y a donc pas lieu, comme on a pu parfois le lire, de se monter déçu du choix du Bayerische Staatsoper de racheter une production qui devrait faire le bonheur du public jeune pour de nombreuses années et lui servir d’ouverture au parcours initiatique du monde de l’opéra. La Maison et le metteur en scène vivent en excellente intelligence et ce choix est cohérent.







L’orchestre d’Etat bavarois est dirigé par Tomáš Hanus, qui vient aussi de le mener dans une merveilleuse interprétation de Jenufa. Hanus fait jouer pour la première fois au Bayerische Staatsoper la partition publiée il y a quelques années aux éditions Schott, en s’attachant à restituer au plus près les intentions et les exigences musicales du compositeur.





Il convient encore de souligner le haut niveau d’exigence en matière de jeu théâtral, avec les performances particulièrement réussies de Rainer Trost, un ténor qui fait ses débuts à l’opéra de Muncih et qui donne une fabuleuse ogresse, on oublie qu’il s’agit d’un homme tant son travesti et son jeu de scène sont réussis, celle des parents et particulièrement la simulation de l’état d’ébriété tant dans le jeu que dans le chant par Alejandro Marco-Buhrmester. La Gertrud de Janina Baechle n’a pas la voix de sa stature et malgré une bonne présence en scène ne séduit pas musicalement. Ce sont deux jeunes artistes, issues de l’Opernstudio munichois et qui aujourd’hui font partie de la troupe de l’opéra, qui se sont vu attribuer les rôles-titres: l’Irlandaise Tara Erraught, qui a récemment enflammé le public par sa prestation dans le rôle de Romeo, un remplacement au pied levé lors de la première de I Capuleti e i Montecchi, joue Hänsel avec un beau jeu d’adolescent. A ses côtés, Hanna-Elisabeth Müller tient la partie de Gretel et séduit par son soprano particulièrement clair, avec des limpidités cristalines. Les décors et les costumes de John Macfarlane sont des plus réussis. Plus de cinquante enfants forment le choeur magnifiquement stimulé et dirigé par Stellario Fagone.



Les applaudissements et les trépignements enthousiastes et joyeux des enfants dans l’assistance sont la meilleure reconnaissance que pouvait recevoir le travail remarquable de tous ces artistes et de ceux qui les ont préparé et dirigé.



A voir en famille!



Engelbert Humperdinck

Hänsel und Gretel

Les 4 et 7 avril au Théâtre national.

On compte en moyenne 370 spectateurs enfants par représentation d’Hänsel und Gretel, soit un (petit) cinquième de la salle.

Ce qui donne des soirées fort joyeuses!

Bonjour,



nous ne pourrons pas y aller malheureusement mais je voulais vous dire que je lis vos conseils toujours avec grand plaisir.

Merci pour vos « articles » sur le site qui sont des plus intéressants! :slight_smile:



Valérie